[Gilles Banderier, lacauselitteraire.fr, mai 2019]
« […] Un bâtard en Terre promise est un roman de la déception non surmontée, celle qu’éprouvèrent sans doute beaucoup de Juifs marocains arrivés en Israël : “Ils s’interdisaient de dire du mal de la terre sainte, ils en avaient dit tant de bien, pendant une si longue période, de génération en génération, qu’ils ne pouvaient se dédire sans commettre le pire sacrilège. Ils n’avaient d’autre choix que de taire leurs critiques et d’assumer leur désenchantement”, p.84). Mais ils n’en pensaient pas moins.
Demeure cependant une tache aveugle, un fait refoulé : en 1948, l’Algérie et le Maroc comptaient respectivement 140.000 et 265.000 Juifs. En 2011, il n’y en avait plus que 1500 et 2700. Ces chiffres dignes de la Pologne ou de l’Ukraine pendant la Shoah dissimulent une réalité simple : les Juifs algériens ou marocains, qui pourtant étaient installés depuis longtemps, ont été chassés en direction d’Israël lorsque ce pays fut créé. Par un paradoxe sinistre, à l’arrière-plan du roman d’Ami Bouganim, l’existence d’un État juif a mis fin à des siècles de présence juive au Maghreb. Un bâtard en Terre promise peut être lu comme un plaidoyer en faveur d’un “autre Israël”, qui aurait été et serait un pays “normal”. Mais la normalité est aussi difficile à définir en géopolitique qu’en psychologie et aucun des États qu’on qualifierait de “normaux” ne partage depuis plus de sept décennies ses frontières avec d’autres États qui ont juré sa disparition. Cette exception peu enviable, assortie du fait qu’Israël est une expérience sans équivalent dans l’Histoire, explique bien des choses. »
[Zoé Tisset, lacauselitteraire.fr, janv. 2019]
« C’est l’histoire d’un exil voulu espéré, ce couple mère et fils quitte Casablanca dans les années soixante pour rejoindre Israël. Ils font partie de la diaspora juive marocaine, le fils est un bâtard judéo-berbère : “Une partie en moi haïssait l’autre en moi. Le juif, l’arabe ; l’arabe, le juif. Je n’ai pas connu la haine de soi. Mais une double haine de soi”. C’est la voix du fils qui s’épelle dans ce livre, douloureusement, car jamais il ne trouvera la paix et la joie. “Je n’ai pas la patience de vivre. Ce n’est pas absurde, c’est incongru”. […]
Le narrateur décrit un pays décadent et en perdition de toute valeur, pour lui Israël est un ghetto. […] Le narrateur n’a pas de mots assez durs pour dénoncer la corruption et l’enlisement défensif d’un pays devenu mégalomane. […] Livre très sombre, embué d’une colère et d’un désespoir immenses, mais qui a le mérite de dire. »
[M.M. et M.S.-A., Notes bibliographiques, fév. 2018]
« Cid a grandi à Casablanca, sur les terrasses du quartier de l’Estuaire où “cohabitait l’humanité toute entière”, mélange harmonieux de religions, nationalités, classes sociales et modes de vie. Enfant sans père, il connaît la liberté et l’insouciance, et plus que tout, l'amour exclusif de sa mère. Mais lors que les Juifs marocains entament leur exil en Europe ou au Canada, celle-ci choisir de s'installer avec son fils en Israël. […] Dans ce roman aux accents autobiographiques. Ami Bouganim peint la difficulté des émigré à trouver une place dans un pays dont il faut s'approprier la langue, les coutumes, le mode de vie, au prix du renoncement à tout ce qui, jusque-là, a été fondateur. Et, tout aussi clivant, le regard des autres, forts de leur droit du sol, de l'organisation étatique, administrative, sociale, qui ne leur concède qu'un statut de “bâtards” entre leurs pays d'origine et d'adoption. Si l'on comprend la tristesse du narrateur d'avoir quitté le Maroc, son désespoir à la mort de sa mère, il est plus difficile d'accepter la litanie de critiques souvent haineuse contre Israël. »
[Patricia Jobe, Babelio.com, 16 octobre 2018]
« Ce livre est le récit d'une inadaptation.
Le narrateur et sa mère quittent le Maroc et les terrasses de Casablanca pour Israël, Terre promise à leurs aïeux juifs. […] Quand la maman de Cid décide de gagner Israël, il ne peut que la suivre mais il est loin de partager son enthousiasme et ses convictions religieuses et ce pays lui semble une imposture messianique. Commence alors pour lui, une vie faite d'amertume et de désillusions. […] Il est dégoûté par le pays tout entier, son administration, sa religion, son armée, sa politique. […] La plume d'Ami Bouganim est très belle, incisive, tranchante, sans concession. L'auteur ascène ses coups dans un style bref, affirmé. J'ai vécu ce roman comme un cri, un hurlement de douleur et de colère. »